Cette expérience remonte à il y a quelques années mais elle m’est tellement restée en travers de la gorge que je prends seulement le temps d’en parler… Bon, évidemment, il ne s’agit que d’UNE expérience. Je n’ai pas fait d’autres salons du livre après ça donc je ne saurais pas vous dire si c’est partout pareil. Mais j’ai quand même envie de raconter comment ça s’est passé pour moi.
Il y a quelques années, donc, j’ai été contactée pour participer au salon du livre BD et jeunesse de la Drôme, pour y présenter mon livre « La vie de maman, c’est que du bonheur » (aux éditions Autrement). Comme c’était dans mon département, et malgré ma timidité légendaire, je me suis dit que ça pourrait être une bonne expérience et j’ai vite accepté ! On m’avait promis de belles rencontres avec des lecteurs et d’autres auteurs, un repas gratuit, une prise en charge des trajets et éventuellement d’une nuit sur place, et une excellente promotion pour ma BD. Ca se déroulait sur un week-end et il fallait être là de 9h à 17h le samedi et le dimanche.
Comme ce n’était vraiment pas loin de chez moi, j’ai proposé de m’y rendre moi-même ; ça coûterait moins cher qu’un taxi ! Et je n’avais pas besoin d’être logée non plus. Je suis arrivée le samedi matin de bon coeur, curieuse de ce que j’allais trouver.
Il faut savoir que quelques jours avant le salon du livre, on m’avait appelée en panique pour vérifier combien de BD j’allais ramener. Je n’étais pas en auto-édition et je n’avais aucun stock… Je leur ai demandé de joindre la maison d’édition en expliquant que je n’avais pas moyen de faire apparaître des livres magiquement ^^ Ils ont finalement passé un accord avec la librairie du coin qui a commandé quelques dizaines de livres, ce qui fait qu’un stock m’attendait sur place. Je devais passer tout le week-end à le dédicacer pour les lecteurs intéressés.
LA VEILLE du départ, j’ai reçu un mail m’annonçant que finalement, ils n’allaient pas pouvoir pourvoir mon repas, parce que j’avais indiqué que j’étais végétarienne. Est-ce que je pouvais amener mon propre pique-nique ? Soit…
Revenons donc au samedi matin. J’arrive sur place, personne pour m’accueillir. Je ne connais personne, ça fourmille dans tous les sens, c’est mon premier salon du livre et je ne sais pas où je suis sensée être. J’arrive à 9h pile, comme on me l’a demandé. J’interroge quelqu’un qui a l’air de savoir ce qu’il fait ; en fait non. Il me dirige vers quelqu’un d’autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une personne en charge comprenne enfin qui je suis et s’étonne « mais vous êtes déjà là ? D’habitude les auteurs arrivent plutôt vers 10h… » Qu’à cela ne tienne, on me présente mon bureau, je m’y installe, et je ne le quitterai plus de tout le weekend. Je suis à côté d’un auteur de BD expérimenté et passionné qui me raconte plein de trucs sur son travail (je ne comprends pas tout, mais c’est intéressant)
Je passe la matinée à rencontrer des lecteurs et à faire des dédicaces. Ca c’est super. Même si j’ai un peu mal à la main !
Le midi, on mange, je sors mon pique nique. On me demande pourquoi j’ai un pique nique. Je raconte que comme je suis végétarienne on m’a dit que je ne pourrai pas manger « à la cantine »… Tout en louchant sur le menu présenté : une entrée végétarienne, un plat avec la viande à côté, et un dessert végétarien lui aussi. J’aurais très bien pu manger ici ! D’ailleurs les autres auteurs me disent de laisser tomber mon pique nique et de manger avec eux, ce que j’accepte volontiers.
L’après-midi se passe comme le matin, et rebelotte le lendemain. Je finis le weekend heureuse de ces rencontres mais épuisée ! J’ai passé une quinzaine d’heures en tout à écrire, dessiner, et parler avec des lecteurs. A la fin du weekend, les organisateurs arrivent pour nous remercier d’être venus… Avec une boîte de nougat.
Une boîte de nougat et une crampe au poignet. C’est tout le salaire que j’aurais eu pour ce weekend entier de travail. On ne m’a jamais remboursé les frais d’essence. On a osé me dire que mon salaire, c’était les ventes de mes livres : en édition classique il est TRES RARE qu’un auteur touche des droits d’auteur sur la vente de ses livres. Très souvent il doit se contenter du maigre à-valoir qu’on lui propose à la signature du contrat (personnellement je n’ai pas vu un centime de droits d’auteur)
Alors oui, je vous entends, on pourrait se dire que ce n’était pas le but, que l’idée c’était d’aller à la rencontre de mes lecteurs, oui, d’accord… Mais l’expérience reste amère pour moi, parce que les organisateurs ont passé le weekend à dire à quel point les auteurs devaient être mieux appréciés, et parce que tout ceux qui sont venus faire signer leur BD ce jour-là m’ont fait la remarque que c’était vraiment super que je sois là, quelle opportunité et quelle reconnaissance pour mon travail ! C’était loin d’en être une, la vérité c’est que j’ai fait le travail de promotion que ma maison d’édition aurait dû faire, gratuitement, et même plus puisque ça a engendré des frais personnels. Vous trouvez ça normal ? Moi non. J’ai un peu l’impression d’avoir délaissé ma famille pour… quoi ?
Je n’ai jamais refait de salon du livre et je ne suis pas sûre que j’accepterais si on me le proposait à nouveau. En tout cas pas tant que nos conditions ne sont pas un minimum respectées… Cette expérience désagréable a participé à me pousser ensuite vers l’auto-édition – mais je vous raconterai exactement pourquoi une autre fois !